Palais du Belvédère, Vienne

Le palais du Belvédère, joyau baroque de Vienne en Autriche, est l’un de ces lieux que l’on vous vend comme un incontournable, un passage obligé pour quiconque prétend « faire » la capitale autrichienne. On vous parle de Klimt, de Schiele, des jardins somptueux, et d’une architecture qui, paraît-il, vous transporte à l’époque des Habsbourg. Mais derrière les cartes postales et les brochures touristiques, qu’en est-il vraiment ? Voici un regard critique, un peu brouillon, mais sincère, sur une visite au Belvédère, où l’émerveillement côtoie l’agacement.

Une arrivée en fanfare… ou pas

Dès l’entrée, le ton est donné : le Belvédère, c’est grand, c’est imposant, et ça ne rigole pas. Le palais supérieur, avec ses façades blanches et ses ornements dorés, semble crier : « Regardez-moi, je suis magnifique ! » Et il l’est, c’est indéniable. L’architecture de Johann Lukas von Hildebrandt est une claque visuelle, avec ses lignes symétriques et ses airs de grandeur impériale. Mais une fois passée l’admiration initiale, on se heurte à la réalité : la file d’attente. Oh, pas une queue monstre comme au Louvre, mais assez longue pour vous faire regretter de ne pas avoir réservé en ligne. Et les panneaux ? Minimalistes, pour ne pas dire absents. Si vous ne parlez pas allemand ou anglais couramment, bonne chance pour comprendre où aller ou comment fonctionne l’audioguide.

Les jardins : un décor Instagram ou un piège à touristes ?

Les jardins du Belvédère, qui relient le palais supérieur et inférieur, sont souvent vantés comme un chef-d’œuvre d’urbanisme baroque. Et, soyons justes, ils sont splendides… sur papier. Les parterres impeccablement taillés, les fontaines et les vues sur Vienne ont de quoi séduire. Mais en réalité ? C’est bondé. Les groupes de touristes armés de perches à selfie envahissent l’espace, transformant chaque recoin en une course à la photo parfaite. On se retrouve à slalomer entre des adolescents en voyage scolaire et des influenceurs en quête du cliché idéal. Et puis, soyons honnêtes, les jardins sont moins impressionnants quand on réalise qu’ils sont surtout un décor : pas de bancs accueillants pour s’asseoir, pas d’ombre pour échapper au soleil d’été. On admire, on traverse, mais on ne s’y attarde pas.

La collection : Klimt, Schiele… et le reste ?

Entrons dans le vif du sujet : le musée lui-même, situé dans le palais supérieur. Le Belvédère est mondialement connu pour abriter Le Baiser de Gustav Klimt, et il faut le dire, cette œuvre est un aimant. La salle où elle trône est toujours pleine, avec cette ambiance étrange où tout le monde veut voir, mais personne ne veut vraiment regarder. On se bouscule, on tend le cou, on prend une photo floue, et hop, on passe à autre chose. Le Baiser est magnifique, avec ses dorures et son intimité hypnotique, mais l’expérience est gâchée par le sentiment d’être dans une attraction touristique plutôt qu’un musée.

Egon Schiele, lui, sauve un peu la mise. Ses toiles torturées, avec leurs lignes anguleuses et leur intensité brute, captent l’attention bien plus longtemps. Mais là encore, le musée semble se reposer sur ses lauriers. La collection autrichienne est riche, certes, mais l’accrochage manque de dynamisme. Les salles se succèdent sans véritable fil conducteur, et les cartels explicatifs sont d’une sécheresse affligeante. On aurait aimé plus de contexte, plus d’histoires sur les artistes et leur époque, plutôt que des descriptions laconiques qui semblent tout droit sorties d’un manuel scolaire.

Et puis, il y a le reste de la collection. Les œuvres baroques et les peintures du XIXe siècle sont intéressantes, mais elles semblent reléguées au second plan, comme si le musée savait que la plupart des visiteurs ne sont là que pour Klimt. C’est frustrant : le Belvédère a tellement plus à offrir, mais il ne fait pas l’effort de mettre en valeur ses trésors moins médiatisés.

L’organisation : un chaos discret

Un point qui fâche : l’organisation. Les billets combinés (palais supérieur, palais inférieur, orangerie, etc.) sont mal expliqués. Vous pensez avoir tout vu, et puis vous découvrez qu’une exposition temporaire se trouve à l’autre bout du domaine, mais que votre billet ne la couvre pas. Les audioguides, bien qu’utiles, sont parfois mal synchronisés avec les œuvres exposées, et les écouteurs fournis sont d’une qualité digne d’un vieux walkman. Quant au personnel, il oscille entre une amabilité forcée et une indifférence polie. On sent que le Belvédère est une machine bien rodée, mais qui manque de chaleur humaine.

La boutique et la restauration : le piège final

Impossible de quitter un musée sans passer par la case boutique. Celle du Belvédère est, sans surprise, hors de prix. Les reproductions de Klimt sont partout – mugs, tote bags, puzzles – mais la qualité laisse parfois à désirer. Et si vous espériez un café ou une pâtisserie autrichienne authentique pour conclure votre visite, détrompez-vous. Le café du musée est cher, le service lent, et les viennoiseries sont loin de rivaliser avec celles des cafés du centre-ville. On vous conseille plutôt de sortir et d’aller déguster un Apfelstrudel ailleurs.

Conclusion : un incontournable… à condition d’être patient

Le Belvédère est un lieu paradoxal. D’un côté, il abrite des chefs-d’œuvre incontestables et une architecture qui force l’admiration. De l’autre, il souffre d’une gestion touristique qui privilégie la quantité à la qualité. On en ressort avec des étoiles dans les yeux, mais aussi une pointe de frustration. Si vous y allez, armez-vous de patience, réservez vos billets à l’avance, et concentrez-vous sur les œuvres moins connues pour éviter la foule. Le Belvédère vaut le détour, mais il ne vous facilite pas la tâche pour l’aimer.