Le marché de l’art est-il en baisse en 2025 ?

Le marché de l’art mondial traverse une période de turbulence en 2024, marquée par une contraction significative de sa valeur globale. Selon le rapport Art Basel & UBS Art Market Report 2025, les ventes mondiales d’œuvres d’art et d’antiquités ont chuté de 12 %, atteignant 57,5 milliards de dollars, contre 65 milliards en 2023. Cette baisse, la troisième plus forte des 15 dernières années, pose la question de la trajectoire du marché en 2025. Est-il réellement en déclin, ou s’agit-il d’une transition vers un nouvel équilibre ? Cet article explore les dynamiques actuelles, les facteurs sous-jacents et les perspectives pour 2025.

Une baisse marquée en 2024 : un marché en contraction

La contraction de 2024 s’inscrit dans une tendance amorcée en 2023, où le marché avait déjà reculé de 4 %. Plusieurs facteurs expliquent cette dynamique :

  • Ralentissement du segment haut de gamme : Le marché des œuvres dépassant 10 millions de dollars, moteur traditionnel des ventes records, a chuté de 45 % en valeur. Les ventes aux enchères publiques, particulièrement touchées, ont reculé de 25 % globalement, avec un effondrement de 38 % en Chine.
  • Incertitudes économiques et géopolitiques : L’instabilité politique, notamment aux États-Unis, et la frilosité des collectionneurs face à l’inflation et aux conflits mondiaux ont freiné les investissements dans l’art. Les grandes fortunes ont réduit la part de leur patrimoine allouée à l’art, passant de 24 % en 2022 à 15 % en 2024.
  • Effondrement en Chine : La Chine, autrefois moteur du marché, a vu ses ventes plonger de 31 % à 8,4 milliards de dollars, son plus bas niveau depuis 2009. Cette chute s’explique par une correction post-bulle après la fin des restrictions sanitaires en 2023.

Sur le plan géographique, aucun grand marché n’a été épargné :

  • États-Unis : Leader avec 43 % des parts, ils enregistrent une baisse de 9 % à 24,8 milliards de dollars.
  • Royaume-Uni : Deuxième avec 18 %, il limite la casse à -5 %, à 10,4 milliards.
  • France : Premier marché européen (7 % des parts), elle recule de 10 % à 4,2 milliards, mais conserve sa 4e place mondiale.
  • Union européenne : Les ventes globales chutent de 8 %, à 8,3 milliards.

Une résilience paradoxale : dynamisme des segments abordables

Malgré cette contraction, le marché montre des signes de résilience, notamment dans les segments plus accessibles :

  • Hausse des transactions : Le volume des transactions a progressé de 3 %, atteignant 40,5 millions de ventes. Les œuvres à moins de 50 000 dollars, en particulier celles sous 5 000 dollars, ont connu une forte demande, portée par une nouvelle génération de collectionneurs.
  • Petites galeries en croissance : Les marchands avec un chiffre d’affaires inférieur à 250 000 dollars ont vu leurs ventes croître de 17 %, tandis que les méga-galeries (CA > 10 millions) ont reculé de 9 %.
  • Ventes privées en hausse : Contrairement aux enchères publiques, les ventes privées, plus discrètes, ont progressé de 14 %, reflétant une préférence pour des transactions moins spéculatives.

Ce dynamisme des segments abordables suggère une démocratisation du marché, avec une base de collectionneurs plus large et moins dépendante des ventes spectaculaires du haut de gamme.

Les défis structurels du marché

Plusieurs défis structurels contribuent à la baisse observée et pourraient influencer 2025 :

  • Digitalisation en recul : Les ventes en ligne, bien qu’ancrées à 18 % du marché (10,5 milliards de dollars), ont baissé de 11 % en 2024. Les NFT, en particulier, continuent leur déclin, affectés par la fermeture de plateformes.
  • Manque de curiosité : Les collectionneurs privilégient des artistes établis au détriment des talents émergents, réduisant l’appétit pour l’innovation.
  • Coûts croissants : L’augmentation des coûts (expédition, loyers, foires) pèse sur la rentabilité, même pour les petites galeries en croissance.
  • Politiques fiscales : En France, la hausse prévue de la TVA sur l’importation d’œuvres d’art de 5,5 % à 20 % d’ici 2025 menace la compétitivité du marché hexagonal.

Perspectives pour 2025 : entre prudence et optimisme

Pour 2025, le marché de l’art reste dans une posture d’optimisme prudent :

  • Facteurs positifs :
    • La baisse attendue des taux d’intérêt et une possible stabilisation politique pourraient redonner confiance aux acheteurs.
    • La vitalité des segments abordables et l’élargissement de la base de collectionneurs, notamment en Chine où les jeunes générations montrent un intérêt croissant pour l’art contemporain, sont des moteurs potentiels.
    • Les galeries françaises se montrent optimistes, avec 95 % anticipant une stabilité ou une hausse de leur chiffre d’affaires.
  • Incertitudes :
    • Le segment haut de gamme reste fragile, avec une raréfaction des œuvres majeures mises en vente.
    • Les incertitudes géopolitiques et économiques (protectionnisme, conflits) pourraient continuer à freiner les investissements.
    • Les résultats des grandes ventes de printemps 2025 (ex. : Christie’s, Sotheby’s) seront un indicateur clé de la résilience du marché.

Conclusion : un marché en transition, pas en crise

Le marché de l’art en 2024 n’est pas en crise, mais en transition. La baisse de 12 % reflète un rééquilibrage après la bulle post-pandémie, avec un recentrage sur des segments plus abordables et une base de collectionneurs plus diversifiée. Pour 2025, une reprise dépendra de la stabilisation économique, de la confiance des acheteurs et de la capacité des acteurs à innover face aux défis structurels. La France, avec sa résilience relative et son dynamisme dans le segment moyen de gamme, pourrait tirer son épingle du jeu, à condition de surmonter les contraintes fiscales.

En attendant, le marché reste cyclique, comme le souligne Clare McAndrew : il fluctue dans un « tunnel » de +10 % à -10 %, se redressant après des oscillations. Pour les collectionneurs et les professionnels, 2025 sera une année de vigilance, mais aussi d’opportunités, notamment pour les œuvres accessibles et les artistes émergents.